À Lille, les professionnels de la nuit sortent le «marteau-piqueur» contre la mairie

13/02/15
La Voix du Nord

La fronde des patrons de bars se durcit face aux horaires de fermeture restrictifs décidés par Martine Aubry. Jeudi, l’UMIH (union des métiers et des industries de l’hôtellerie) et le SNEG & Co (syndicat national des entreprises gaies) ont annoncé une action en justice contre l’arrêté municipal.

 

Les bars doivent fermer à 1 h du dimanche au mercredi

Fin novembre, la colère des professionnels de la nuit éclate après l’annonce inattendue de Martine Aubry. Face au phénomène l’hyperalcoolisation des jeunes et ses effets (nuisances, insécurité etc.), elle tape sur les bars. Les établissements bénéficiant d’une dérogation d’ouverture tardive ne peuvent plus fermer à 3 h que trois jours au lieu de sept : jeudi, vendredi et samedi. Du dimanche au mercredi, c’est désormais 1 h. Un arrêté municipal a été pris le 31 décembre. « Depuis une dizaine d’années, Lille était un exemple de démocratie en matière de vie nocturne. Et du jour au lendemain, sans aucune concertation, il y a cet arrêté qui rompt le dialogue », tonne Rémi Calmon, directeur national du SNEG.

 

Une « stigmatisation »

Thierry Grégoire, président régional de l’UMIH, déplore une « stigmatisation » des professionnels. Il ne veut pas qu’ils soient les boucs émissaires des débordements nocturnes. L’hyperalcoolisation ? « Restreindre les horaires de fermetures des bars n’apporte pas de solution. Notre profession ne représente que 10 % des ventes d’alcool en France. » Le bruit ? «Elles sont en grande partie dues à la loi sur le tabac (2007) : les clients fument dehors. » Rémi Calmon rappelle aussi que « les professionnels respectent une réglementation comportant de nombreuses obligations. » Pour Thierry Grégoire, les brebis galeuses sont une « infime minorité. »

 

Une mesure inefficace ?

Pour l’UMIH et le SNEG, ce n’est pas en fermant les bars plus tôt qu’il y aura moins de débordements. « Quand les gens vont se retrouver dans la rue à 1 h, s’ils ne peuvent plus aller ailleurs, ils vont continuer la fête », prévoit Rémi Calmon. Thierry Grégoire abonde : « la rue va se transformer en bar à ciel ouvert, alors que nos établissements sont des lieux de protection et d’encadrement des clients, avec des personnels formés à la vente d’alcool. »

 

Des licenciements en vue ?

C’est la principale conséquence mise en avant par les professionnels. La perte de chiffre d’affaires liée à aux horaires restrictifs de fermeture se traduira par de la « casse » sociale : «85 entreprises sont concernées, une centaine d’emplois seront détruits », comptabilise Thierry Grégoire. Autre effet redouté, une moindre attractivité de la ville.

 

Le recours en justice

« On est face à un mur : soit on le prend en pleine face, soit on sort le marteau-piqueur et on tape dedans. » L’UMIH et le SNEG ont choisi la deuxième option. Ils vont attaquer devant le tribunal administratif l’arrêté de Martine Aubry. D’ici là, « on est encore ouvert à négocier. Martine Aubry, et pas ses adjoints, doit revenir discuter. » Cette action en justice se veut nationale. Les deux organisations craignent en effet que la décision de la maire de Lille fasse «boule de neige » dans d’autres villes.

 

De multiples recours en justice en vue

La contre-attaque juridique des professionnels de la nuit contre les nouveaux horaires de fermetures des bars va se dérouler en deux temps. Il y a d’abord l’action contre l’arrêté municipal pris par Martine Aubry le 31 décembre dernier. C’est l’UMIH et le SNEG qui vont engager un recours devant le tribunal administratif. Ils ont jusqu’au 28 février pour le déposer. Il prendra la forme d’un référé suspension.

Pour Émilie Dewaele, avocate des deux organisations, cette procédure d’urgence se justifie par les conséquences économiques immédiates de l’arrêté municipal. « Une centaine d’emplois sont menacés, ce qui paraît énorme pour un arrêté pris sans aucune concertation. Il y a donc urgence à ce qu’un juge administratif se prononce. »

Une fois déposée, le tribunal administratif examinera rapidement cette demande de suspension de l’arrêté. Il tranchera plus tard sur le fond du dossier, avec une éventuelle annulation pure et simple de la mesure.

 

« Le bordel »

Ce n’est pas la seule action prévue. Des bars comptent en effet attaquer en justice les arrêtés préfectoraux individuels qui leur ont été envoyés, ces derniers jours, afin de notifier le changement de réglementation municipale. C’est le cas de Guillaume, patron du Privilège, bar gay du Vieux-Lille, pour qui l’enjeu est important. « Avec la fermeture à 1 h du dimanche au mercredi, je vais perdre environ 50 % de mon chiffre d’affaires ces soirs-là. J’ai deux emplois menacés. »

Et puis, selon lui, ces nouveaux horaires de début de semaine ne juguleront pas les débordements dans la rue. D’autant que, « le bordel, ce n’est pas ces jours-là. »