Accusés par les hôteliers de siphonner leurs marges et de leur voler leur clientèle, les booking.com et autres centrales de réservation sur internet, ont ou vont faire l’objet d’assignations en justice. Pour le groupe Expedia (expedia.fr, hotels.com, venere.com), l’assignation est déjà partie. L’autre devrait viser booking.com, selon nos informations, et devrait être notifiée avant la fin de l’année. Trois ministères, celui de l’Economie numérique, du Tourisme, et de la Consommation, se sont ligués pour cette opération que réclamaient haut et fort les hôteliers indépendants. Les sites de réservation d’hôtels en ligne pourraient être obligés in fine de revoir leurs contrats.
Les centrales étaient sur la sellette depuis plusieurs mois déjà. Les agents de la Concurrence et des Fraudes (DGCCRF), alertés par les hôteliers, ont longuement analysé les clauses des contrats les liant aux hôteliers. Ils y ont détecté des clauses contraires à la réglementation française.
Parallèlement, la Commission d’examen des pratiques commerciales, structure paritaire regroupant des juristes, des parlementaires et des professionnels, s’est livrée à une analyse juridique des voies ouvertes aux professionnels ou à la puissance publique, pour attaquer ces sites. Son avis, publié récemment, pointait également des pratiques critiquables, mais soulignait que seule la puissance publique avait vocation à agir. En effet, ces firmes domiciliées aux Pays-Bas ou aux Etats-Unis, se protègent ainsi d’actions juridiques menées localement, à moins que l’Etat ne monte lui-même au créneau. Ce qui est fait aujourd’hui.
Commissions de 15 à 25%
Les hôteliers, ou tout au moins leurs syndicats, ont donc marqué un point. Coïncidence ? Ce matin, l’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) qui fédère 8500 des 17 000 hôtels de l’hexagone, a listé une nouvelle fois ses doléances à l’égard des géants de la réservation, lors d’un point presse. Dans le viseur des professionnels, la hauteur des commissions prélevées par les centrales : autour de 15 à 17%, voire jusqu’à 25% du prix de la chambre TTC, tombent ainsi dans les caisses des centrales, au titre du service rendu.
Très critiquée aussi, l’interdiction faite à l’hôtelier de proposer en direct ses chambres à un prix inférieur à celui affiché sur booking.com ou expedia.fr. Autre règle que les hôteliers ne digèrent pas, l’obligation de réserver aux sites leurs dernières chambres, dans la limite des quotas qui leur ont été alloués. Dernière charge toute nouvelle, le mode de calcul des commissions: indexées sur le prix TTC, les commissions vont gonfler encore au profit des sites et au détriment des hôteliers. «Je vais perdre 5 euros sur une chambre à 100 euros avec la hausse de la TVA en quelques années», s’indigne Laurent Duc, le président de l’Umih.
L’assignation en justice qui est faite devant les juridictions civiles, répond pour parti aux demandes de la profession. Deux clauses sont dans le viseur du gouvernement qui dit agir «dans le souci de préserver l’ordre public», selon un proche du dossier. Il s’agit de faire reconnaître comme illicite, la clause dite de parité tarifaire qui bride la liberté des hôteliers à fixer leurs prix. Même requête concernant la clause dite de «la dernière chambre», réservant aux centrales les dernières capacités.
Les hôteliers avaient saisi aussi, en juillet dernier, l’autorité de la concurrence, dénonçant «le durcissement des clauses contractuelles» et accusant booking.com, le groupe Expedia et HRS, une centrale allemande, «d’abus de position dominante collective». La procédure, forcément longue, ne devrait pas déboucher avant une année.
15 000 hôtels adhérents
Sentant les critiques et les actions monter de toutes parts, booking.com est sorti de son mutisme et a multiplié les prises de contact ces dernières semaines, tant auprès des ministères que des professionnels. Demain, Olivier Bisserier, directeur financier de booking.com, et basé à Amsterdam, siège du site, rencontre l’Umih. «C’est nous qui avons pris cette initiative. Jamais les hôteliers n’avaient demandé à nous voir jusqu’à présent. Ils préfèrent nous parler via des courriers musclés».
Booking.com joue aujourd’hui la transparence. Cette société, rachetée en 2004 par le groupe américain Priceline, a connu une expansion fulgurante. Elle revendique aujourd’hui 15 000 hôtels adhérents, sur un total de 17 000. En ajoutant les chambres d’hôtes, ou les résidences de tourisme, ses dernières conquêtes, c’est 29 400 structures qui passent par ses conditions. Elles n’étaient que 18 000, il y a un an. Mais assure Olivier Bisserier, et contrairement aux assertions de certains hôteliers, «ni nos clauses, ni nos taux de commission n’ont bougé depuis 2008. Et nos commissions s’élèvent très exactement à 16,1 %, en moyenne du prix de la chambre, selon notre dernier pointage». Loin des 25% avancés par les professionnels.