Si cet avis n'est que consultatif, des juridictions telles qu'un tribunal de commerce pourraient s'appuyer dessus en cas de litige. Par ailleurs, le ministre de l'Économie pourrait s'en servir pour réclamer la nullité des clauses en cours et réclamer pour l'avenir la cessation de ces pratiques comme l'y enjoint Razzy Hammadi. En octobre 2011 déjà, le Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (Synhorcat) avait fait condamner trois sites pour pratiques commerciales trompeuses, tandis que le principal syndicat hôtelier, l'Umih, a lancé en juillet une procédure devant l'Autorité de la concurrence. Enfin, si ces voies ne débouchent pas, il n'est pas exclu d'aborder la question par le biais d'un amendement à la loi consommation.
Plus de 50% du chiffre d'affaires
Si le sujet rend nerveux, c'est que le poids de ces sites ne cesse de se renforcer, comme leur taux de commission. De par leurs modes de paiement différents, il est difficile de connaître leur importance exacte mais il est généralement admis que 30% des réservations se font par leur intermédiaire. «Pour certains établissements, ces sites apportent plus de la moitié du chiffre d'affaires», souligne Philippe Gauguier, associé chez In Extenso THR.
Selon une étude de ce cabinet, membre de Deloitte, en cinq ans les commissions globales sont passées de 3,7% à 4,6% du chiffre d'affaire total alors même que le taux de remplissage restait stable. En province (hors Côte d'Azur), où les clients sont plus difficiles à trouver, le montant versé a même bondi de 64% pendant cette période. Globalement, la commission, en France, peut varier de 15 à 30% du prix de la chambre, des niveaux bien plus élevés que ce qui se pratique aux États-Unis ou que ce qui est perçu par d'autres intermédiaires tels que les tour-opérateurs, qui se contentent généralement de 7 à 8%.
«Après avoir représenté une vraie opportunité de développement, ces sites peuvent se transformer en menace potentielle, estime Roland Héguy, président de l'Umih. Il est hors de question que nous devenions des sous-traitants virtuels.» «Et pour gagner en notoriété, ces sites n'hésitent pas à détourner le nom des hôtels», poursuit Rémi Ohayon, auteur de l'ouvrage «Addi (c) tion, Le hold-up des intermédiaires du tourisme en ligne». À coup d'achats de mots-clefs sur Google, ces sites attirent bon nombres d'internautes même s'ils cherchent un établissement en particulier. En 2012, le groupe Priceline (Booking, Kayak…) aurait ainsi dépensé 1,14 milliard de dollars de publicité en ligne à 90% sur Google.
120 millions d'euros pour lutter
Une force de frappe qui effraie même des géants tels que le leader européen de l'hôtellerie Accor. Pour rattraper son retard, l'ex-président du groupe Denis Hennequin avait en son temps annoncé un plan d'investissement informatique de 120 millions d'euros sur quatre ans. Et l'hôtellerie indépendante? «C'est doublement compliqué pour elle, estime Philippe Gauguier. Elle a peu de visibilité sur Internet et paie des taux de commission bien plus élevés que les grandes chaînes.» «C'est aux hôteliers de veiller à diversifier leurs intermédiaires et de se prendre en main pour réinvestir dans leurs sites Internet ainsi que dans la commercialisation en direct», estime pour sa part Stéphane Botz, en charge du tourisme chez KPMG.
Les deux professionnels s'accordent à reconnaître que pour peser d'un plus grand poids la meilleure solution pour les hôteliers indépendants consiste à s'adosser à un réseau qui pourrait leur négocier de meilleures conditions.
Jean-Bernard Litzler