L'Umih, la principale organisation patronale de l'hôtellerie, veut mettre fin aux "pratiques anti-concurentielles" des sites de réservation comme Expedia ou eBooking. Elle a saisi mardi l'Autorité de la concurrence.
Les explications de Laurent Duc, président du réseau hôtellier de l'organisation.
L'Union des métiers de l'industrie hôtelière (Umih), a saisie ce mardi l'Autorité de la concurrence afin de dénoncer les pratiques anti-concurrentielles des agences de réservation en ligne comme Expedia ou Booking. Sachant que les réservations en ligne représenteraient 30% du chiffre d'affaires (21,7 milliards d'euros) de l'hôtellerie en France. Le syndicat d'hôteliers et de restaurateurs CPIH a annoncé qu'il se joignait à l'UMIH. Interview de Laurent Duc, président du réseau hôtellier de l'organisation.
Que reprochez-vous aux sites de réservations en ligne ?
Laurent Duc. Nous ne sommes pas contre les opérateurs en ligne mais actuellement cette situation n'est plus supportable pour les hôteliers à partir du moment où des conditions non négociables nous sont imposées. Nous avons donc décidé de saisir l'Autorité de la concurrence en mettant en avant trois points qui nuisent principalement à notre travail. Tout d'abord la parité tarifaire exigée par les sites de réservation. Nous sommes dans l'obligation d'appliquer les mêmes tarifs que sur nos sites ou lors d'une réservation directement sur place. Par exemple, si nous décidons de louer une chambre au prix de cinquante euros la nuit, ce qui est le minimum pour rentrer dans nos frais, les sites de réservation exigent ce même prix. A la différence qu'ils nous facturent une commission qui peut aller de 17 à 30% du prix TTC de la chambre. Le prix de revient passe donc de cinquante à quarante euros. Nous ne pouvons plus rentrer dans nos frais.
Autre point la parité de l'offre. Une chambre sur cour sera facturée au même prix qu'une chambre avec vue sur la mer. Les opérateurs en ligne nous forcent à signer ce type de clause dans le contrat. Et si nous le faisons pour un site, d'autres sites exercent une pression pour obtenir le même avantage. Nous sommes perdants à tous les niveaux.
Dernier point qui est source de discorde entre les hôteliers et les sites de réservation, la clause de la " dernière chambre ". Expedia ou Booking nous demandent de leur réserver d'office la dernière chambre de notre hôtel. Cette condition est présente dans tous les contrats. Comment garder une chambre pour deux sites de réservation ? On ne peut pas les contenter. C'est infaisable.
Les contrats avec les sites de réservations sont non-négociables?
C'est l'histoire du pot de fer contre le pot de terre. Les sites visés par notre action exercent une situation de monopole. Si nous faisons le choix de ne pas passer par leur entremise, nous perdons une partie de nos ressources. Hier, ils étaient des intermédiaires entre le monde de l'hôtellerie et les consommateurs; aujourd'hui, ils sont devenus les propriétaires du marché et nous n'avons aucun moyen mis à notre disposition pour contourner leur pouvoir. Il faut jouer avec leurs règles. A titre d'exemple Booking, qui est le plus gros site de réservation de chambres d'hôtel en ligne, a des bureaux en France. Mais il ne répond pas pour autant à la réglementation de notre pays puisque son siège social est basé à Amsterdam. Si un hôtel décide de passer un accord avec eux, le site rachète sur Internet le nom de domaine de l'hôtel en y ajoutant à la suite son propre nom. Résultat, lorsqu'un internaute veut réserver en ligne, il arrivera en premier sur le site de Booking et la plateforme de l'hôtel ne sera qu'en seconde suggestion sur les moteurs de recherche.
Qu'attendez-vous de l'Autorité de la concurrence ?
L'Umih ne fait que proposer à l'Autorité de la concurrence un dossier qui montre les pratiques anti-concurrentielles des agences de réservation en ligne. Nous espérons que les plateformes internet réviseront leurs conditions générales pour que nous puissions travailler en partenaire, d'égal à égal. Il faut rappeler qu'en cas de condamnation, une amende par exemple, nous ne touchons absolument rien.
Propos recueillis par Marie-Pierre Haddad - publié le 02/07/2013 à 17:59