Essayons de le savoir en cherchant sur Internet l'hôtel du Cheval rouge à Versailles, trois étoiles, dont le gérant a refusé tout accord avec eux.
Cet hôtel est surtout fréquenté par des Américains, car il est référencé, depuis des années, aux Etats-Unis, par Rick Steves, dont les guides font autorité en matière de tourisme européen.
"Je n'ai jamais rien payé pour cela", souligne le directeur du Cheval rouge, Dominique Nondin.
"Comme les clients sont satisfaits, ils laissent des commentaires positifs sur le site d'avis Tripadvisor", ajoute-t-il.
Sur le moteur de recherche Google, si nous tapons "hôtels Versailles", nous tombons en premier lieu sur le site Booking.com, qui annonce référencer quinze hôtels dans cette ville:
Vous avez bien vu: il n'y a aucune mention de l'hôtel du Cheval rouge, puisque le directeur a refusé de payer son référencement. "Je ne veux pas verser à Booking une commission égale à 20% du prix de mes chambres d'hôtel", indique M. Nondin.
Il est possible de faire la même expérience sur Expedia ou HRS.
Retournons sur Google. L'un des sites les mieux placés sur la page est Tripadvisor. La page des hôtels de Versailles référence bel et bien le Cheval rouge: "Classé No 3 sur 24 hôtels à Versailles, avec 136 avis".
Sauf que... Regardez bien l'impression d'écran ci-dessous et cherchez les différences de présentation entre notre établissement et les autres.
Bravo, vous avez trouvé: on ne peut pas cocher la case "voir les prix".
"Tripadvisor m'a proposé de l'ajouter, si je lui verse quelque 1500 euros par an", indique M. Nondin qui, pour l'instant, a refusé. "Je paie déjà cette somme, pour être référencé sur Les Pages jaunes", explique-t-il.
Mais un site lui fait vraiment du tort: il s'agit du comparateur Trivago. A priori, il ne mentionne pas le Cheval rouge dans la liste des hôtels de Versailles. Mais si l'on demande explicitement l'"hôtel du cheval rouge", voici la page qui apparaît:
Avez-vous bien lu, à droite de l'écran? "Pas de disponibilité, merci de choisir d'autres dates". De quoi laisser croire que l'hôtel est complet.
Pourtant, en 2011, le tribunal de commerce de Paris a déjà condamné le groupe américain Expedia à payer 430 000 euros au Synhorcat, un syndicat d'hôteliers et de restaurateurs, parce que, notamment, il trompait les consommateurs sur la disponibilité des hôtels. Il affichait "complet" sur le nom de ceux qui refusaient de lui acheter un référencement.
"Les mauvaises manières continuent", déplore Laurent Duc, président de la branche hôtellerie de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih).
En juillet, l'Umih et la la Conféderation des professionnels indépendants de l'hôtellerie (CPIH) ont saisi l'Autorité de la concurrence, afin de dénoncer les pratiques anti-concurrentielles des centrales de réservation en ligne.
"78% des consommateurs effectuent leurs réservations d'hôtels par ces canaux de distribution, et non directement auprès des hôtels, qui n'ont pas les moyens de se faire référencer sur Internet", constate l'Umih. "Booking, c'est 600 000 dollars par jour d'achats de mots clés dans le monde", précise M. Duc.
Ces centrales de réservation font bénéficier les hôtels de leur audience et de leur notoriété. Mais les clauses contractuelles qui les lient aux hôteliers sont devenues de plus en plus drastiques."La hausse continue des commissions peut atteindre 30% du montant de la chambre", dénonce l'Umih.
En outre, l'hôtel qui voudrait faire une promotion de dernière minute sur quelques chambres n'en a pas le droit. Il risque une forte amende s'il le fait sur son site ou par téléphone, avec un client. En vertu d'une "clause de parité tarifaire", il doit prévenir les agences de réservation en ligne, qui répercuteront la baisse sur toutes les chambres de l'hôtel, ce qui n'est économiquement tenable.
"Booking capte notre clientèle, et nous interdit d'utiliser ses adresses mail, sauf pour des précisions concernant la mise en relation!", proteste M. Duc."Nous ne pouvons plus proposer de cartes de fidélité. Les seuls cadeaux que nous pouvons faire à nos visiteurs consistent à leur offrir le petit déjeuner."
Hélas, l'Autorité de la concurrence ne devrait pas rendre d'avis avant deux ans.
En attendant, l'Umih et la CPIH ont alerté la Commission d’examen des pratiques commerciales, un organisme consultatif du ministère de l'économie et des finances, dont le président, Razzy Hammadi, député (PS) de Seine-Saint-Denis, est aussi rapporteur du projet de loi consommation à l'Assemblée nationale. Il pourrait introduire un amendement interdisant les clauses de parité tarifaire, lors de la deuxième lecture de ce texte au Palais-Bourbon.