Alors que la filière est sous pression, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie veut remuer l’opinion avec une campagne choc.
Elle va s'afficher sur les murs des cafés, hôtels, restaurants, discothèques, mais aussi sur Internet et les réseaux sociaux, avec des visuels militants et un slogan choc : « Voleurs de vacances. » La campagne rentre-dedans orchestrée par l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) a pour but de remuer l'opinion publique et de secouer les hommes politiques et parlementaires français. Le Biarrot Roland Héguy, président national de l'Umih, justifie cette initiative et explique dans quel contexte elle intervient.
« Sud Ouest ». Un slogan agressif, un logo digne de Mai 1968, vous n'y allez pas de main morte avec cette campagne surprise. Quel est l'effet recherché ?
Roland Héguy. Cette campagne s'adresse d'abord à l'opinion publique. Le tourisme aujourd'hui en France pèse 850 000 emplois dans les hôtels, cafés, restaurants et discothèques. 65 % de notre clientèle est française. Les slogans sont volontairement chocs car notre secteur traverse une très grave crise. Je suis franchement inquiet sur ce qui risque d'arriver cet hiver, car de nombreux professionnels ont leur trésorerie à sec. Ils ont déjà puisé dans leurs réserves et n'ont pas pu avoir de rentrées suffisantes en juillet. Si le mois d'août et surtout l'arrière-saison ne sont pas bons, il va y avoir de la casse. Voilà pourquoi on lance cette campagne. Il est temps de dire la vérité aux Français. Ces derniers sont touchés de plein fouet par la récession, ils perdent chaque année du pouvoir d'achat et réduisent du coup de plus en plus leur budget vacances.
Notre objectif est de leur dire que leurs prochaines vacances sont en danger, si on continue à mettre une pression insupportable sur l'industrie touristique. Ces taxes et contraintes réglementaires, ce sont les fameux voleurs de vacances : moins de sorties et de loisirs ; moins de sandwiches ou de repas au restaurant, de petits déjeuners et de nuits dans les hôtels…
Mais tout le monde économique vit la crise. Concrètement, quelle pression subissez-vous ?
Songez qu'en trois ans on a surmonté le passage de la TVA de 5,5 % à 10 % et on nous a imposé pas moins de 30 nouvelles taxes ! On a le sentiment d'être des vaches à lait. En Île-de-France, pour boucler le budget de la Région, on s'est tourné vers l'hôtellerie-restauration avec la création d'une taxe de 2 euros. Idem à Paris, où pour boucler le budget de la Ville, les élus avaient imaginé la supertaxe de séjour de 8 euros sur les hôtels de luxe. Ça paraît peu mais, au final, sur les congrès et séminaires, vous perdez des clients sur des appels d'offres européens, car 8 à 10 euros de différence multipliés par 50 ou 100, ça fait une somme.
Les députés ont renoncé pour l'instant au projet de relèvement du plafond de la taxe communale de séjour, tout comme ils ont enterré les projets de Paris et d'Île-de-France. Mais jusqu'à quand ?
On sait que ça peut revenir dès 2015. Et puis c'est sans compter les contraintes réglementaires d'accessibilité, de pénibilité, de sécurité qui pèsent très lourd et étranglent de nombreux entrepreneurs. Quand vous devez investir 200 000 à 300 000 euros pour l'accessibilité et la sécurité, vous n'investissez pas dans la modernisation ou le confort. Du coup, beaucoup d'établissements vont fermer leurs portes, tout simplement.
Votre ministre de tutelle, Laurent Fabius, vous a-t-il défendu sur ces dossiers ?
Nous avons le sentiment que Laurent Fabius, mais aussi les autres membres du gouvernement concernés, dont Fleur Pellerin, Arnaud Montebourg ou Carole Delga, ont pris la mesure de la situation et sont sur la même longueur d'onde que nous. Nous allons nous retrouver avec Laurent Fabius le 3 septembre, lors de la première réunion du Comité pour le tourisme.
Le tourisme peut être un vecteur de croissance, d'emploi et d'investissement pour la France, dans un marché mondial où le nombre de touristes doit augmenter de 5 % par an d'ici à 2030. On connaît nos atouts et nos faiblesses. La France reste très appréciée. On a bien cerné que nous sommes au top dans l'hôtellerie haut de gamme et dans les villes mais qu'on a beaucoup de problèmes dans les établissements intermédiaires et les produits touristiques, en dépit de marques fortes, comme Biarritz.
Aujourd'hui, un touriste qui passe en France dépense 650 euros seulement contre 1 200 euros en Espagne et 1 500 euros en Grèce. Il y a un vrai problème de valeur ajoutée. Mais, pour investir, nos professionnels ont besoin de travailler dans la confiance sur le long terme et qu'on desserre la pression, devenue insupportable.