Article publié dans le magazine Tendances Restauration(1).
Un régime fiscal très avantageux
L’objet du pacte Dutreil est d’anticiper la transmission d’un patrimoine professionnel au profit de ses proches ou d’un tiers, afin d’en assurer la pérennité en diminuant les droits de succession au jour du décès et de gommer l’impôt sur la plus-value. Cet engagement permet de réduire la base taxable de 75 %. Afin de bénéficier de cet avantage, le législateur demande au donateur (celui qui consent la donation) et au donataire (celui qui reçoit la donation) un certain nombre d’engagements. On applique aussi une réduction de 50 % du montant des droits pour une donation faite en pleine propriété et réalisée avant les 70 ans du donateur
Des conditions d’application
Nature de l’activité exercée
L’entreprise à transmettre doit être une entreprise à usage artisanal, commercial ou industriel. A noter que c’est l’entreprise qui bénéficie du Pacte Dutreil. Une SCI qui détient les murs d’un hôtel ou d’un restaurant ne peut bénéficier du Pacte Dutreil.
Le régime fiscal de l’entreprise n’a par ailleurs aucune importance.
Dans le cas de la mise en place d’une holding animatrice afin d’organiser les activités, la société holding doit participer à la politique du groupe et contrôler les filiales pour être éligible au dispositif.
Par ailleurs, elle ne doit pas être nouvellement créée.
Seuils minimums
Pour que le pacte soit applicable, le chef d’entreprise doit exploiter depuis plus de deux ans, une entreprise à usage artisanal, commercial et industriel.
Si l’entreprise est en société, l’engagement pris doit porter sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote. C’est-à-dire que ceux qui prennent l’engagement de conserver les parts pour bénéficier de l’abattement Dutreil doivent représenter les seuils ci-dessus mentionnés.
Engagement collectif de conservation
Dans le cadre du Pacte Dutreil, il est demandé au donateur et au donataire de s’engager pour une durée minimum de deux années durant lesquelles l’entreprise ne pourra être vendue ou cédée. Il s’agit de l’engagement collectif de conservation. Durant cette période de deux ans, les biens peuvent être transmis par donation ou par succession.
L’engagement individuel de conservation
Une fois les deux années passées et la transmission effectuée, les bénéficiaires (au moins l’un d’entre eux) devront s’engager à conserver le bien professionnel pendant une durée minimum de quatre années et à poursuivre l’activité professionnelle de l’entreprise. Cet engagement peut être signé par acte authentique chez le notaire ou par acte sous seing privé et enregistré à l’administration fiscale.
Age du donateur
En fonction de l’âge du donateur, une réduction de droit peut être accordée. Lors de la transmission d’une entreprise qui a une activité professionnelle artisanale, commerciale ou industrielle et de la totalité des biens de cette entreprise ou lorsqu’il s’agit d’une société et que le donateur transmet au moins 5 % de cette entreprise, le montant des droits dus peut être réduit de 50 % si le donateur à moins de 70 ans (article 790G du Code général des Impôts).
L’engagement de direction
Le donataire ou l’un des bénéficiaires du Pacte Dutreil (héritier ou légataire) doit obligatoirement prendre la fonction de direction pendant la durée de l’engagement collectif et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission et y exercer son activité principale. Les dirigeants peuvent changer en cours de procédure du Pacte Dutreil.
Cas particuliers
Engagement réputé acquis
Si aucun engagement collectif n’a été signé avant la transmission, ou si le donateur souhaite faire rapidement sa donation, l’engagement collectif peut, en respectant certaines conditions, être réputé acquis. Le donateur doit détenir un certain nombre de parts ou d’actions de l’entreprise, la diriger depuis au moins deux ans et devra être associé actif (un retraité ne remplit pas les conditions). De son côté, le donataire devra diriger l’entreprise et n’est alors tenu que d’un engagement individuel de conservation des titres de 4 ans. Une co-direction est tout à fait possible, dans la mesure où elle est réelle.
L’engagement collectif post-mortem
Dans l’hypothèse du décès prématuré du dirigeant, ses héritiers peuvent souscrire le Pacte Dutreil dans les six mois à compter du décès chez le notaire ou sous seing privé enregistré à l’administration fiscale, à conditions que les critères requis soient remplis.
Point de vigilance
Dans le cas de la donation avec réserve d’usufruit, il faut vérifier dans les statuts, avant la donation, que l’usufruitier, en termes de décisions collectives, n’a de pouvoir que sur l’affectation des bénéfices ; sinon cela peut valoir remise en cause du Pacte Dutreil. Il faut éviter toute cession de part pendant l’engagement collectif et individuel de conservation.
En cas de volonté de modifier la forme juridique de la société, le capital, ..., il faut consulter son notaire, certains changements n’étant pas possibles dans le cadre du Pacte Dutreil. Il est conseiller de procéder à ces changements avant la donation.
Simplification
Auparavant, l’administration fiscale exigeait une déclaration sur le respect des engagements tant au niveau de la société, de l’entreprise qu’au niveau des personnes elles-mêmes. Ce formalisme postérieur était cause de beaucoup d’inquiétude, car les personnes concernées craignaient d’oublier cette déclaration et de ce fait d’être sanctionnées. Ce formalisme est maintenant considérablement allégé puisqu’il suffit d’écrire à l’administration fiscale dans les six mois de la fin de l’engagement pour signifier que tous les critères ont été respectés.
Exemple 1
Un hôtelier de 61 ans souhaite transmettre son entreprise d’une valeur de 600 000 euros à ses deux enfants.
Avec le Pacte Dutreil
L’hôtelier a pris la précaution d’anticiper sa succession et de souscrire un Pacte Dutreil.
Ainsi, la base taxable est réduite de 75 %, et passe de 600 000 à 150 000 euros. Chaque enfant reçoit 75 000 euros et bénéficie de l’abattement en ligne directe de 100 000 euros. En conséquent, il n’y a aucune fiscalité à payer au Trésor public.
Sans le Pacte Dutreil
L’hôtelier transmet son entreprise d’une valeur de 600 000 euros sans avoir souscrit de Pacte Dutreil. Chaque enfant reçoit l’équivalent de 300 000 euros. Ils bénéficient chacun de l’abattement en ligne directe de 100 000 euros. Chaque enfant reste taxable sur 200 000 euros, et sera soumis aux droits de mutation à hauteur de 38 194 euros à payer au Trésor public.
Exemple 2
Une hôtelière-restauratrice de 65 ans donne à son fils son établissement (fonds ou parts de société) d’une valeur de 500 000 euros.
Avec le Pacte Dutreil
La restauratrice a pris la peine d’anticiper sa succession et de souscrire un Pacte Dutreil. Ainsi, la part taxable est diminuée de 75 % et représente 175 000 euros. Le fils bénéficie de l’abattement en ligne directe de 100 000 euros. La part taxable restante est de 75 000 euros. La donation ayant eu lieu avant les 70 ans de la mère, le fils bénéficie de 50 % de réduction des droits. En conséquent, il lui reste 6 597 euros de droits de mutation à payer au Trésor public.
Sans le Pacte Dutreil
La valeur du bien est de 500 000 euros et aucun Pacte Dutreil n’a été souscrit. Le fils bénéficie de l’abattement en ligne directe de 100 000 euros. La part taxable restante s’élève à 400 000 euros. Le taxe due au Trésor public au titre des droits de mutation à payer s’élève à 78 194 euros.